La pertinence clinique correspond à la valeur médicale du résultat : représente-t-il un réel progrès thérapeutique ?
Un résultat cliniquement pertinent assure que le bénéfice du traitement à un réel sens médical et qu’il correspond à un réel bénéfice clinique pour les patients.
La notion de pertinence clinique recouvre plusieurs éléments :
Pour qu’un résultat puisse prétendre démontrer un réel bénéfice clinique il faut que :
Voir aussi Critères cliniques, intermédiaires, de substitution
La pertinence clinique de l'objectif de l'essai dépend de la pertinence de plusieurs éléments :
L'objectif de l'essai doit correspondre à une question pertinente, représentant un problème réel de thérapeutique (jugé par l'expérience du lecteur et non pas uniquement à partir du rationnel de l'essai), pour lequel il n'y a pas encore de solution satisfaisante (jugée par l'étude de la méta-analyse centrée sur la question afin de connaître et de juger les résultats obtenus par les traitements concurrents).
Il existe actuellement des tentatives de création de toutes pièces de pseudos questions médicales pour donner matière, de façon tout à fait artificielle, à l’utilisation d’un traitement particulier. Le British Medical Journal retrace l’histoire de l’invention d’un syndrome de trouble sexuel chez la femmes [1], inventé de toute pièce lors d’une réunion sponsorisée par les laboratoires Pfizer. Cette création était motivée par l’intention de donner au sidenafil une indication chez la femme. L’histoire a été jusqu’à la réalisation d’essais thérapeutiques qui ce sont révélés négatifs, contrecarrant ainsi les plans initiaux.
Un essai contre placebo, alors qu’il existe un traitement ayant déjà montré son efficacité par rapport au placebo, ne peut pas justifier l’utilisation du nouveau traitement en remplacement du traitement de référence. En effet, la supériorité du nouveau traitement par rapport au traitement de référence est inconnue. Il n’est pas exclu que le nouveau traitement soit, en fait, moins efficace que ce dernier. Faute de mieux, il est possible de comparer l’efficacité de ces deux traitements dans une comparaison indirecte qui permet d’estimer l’efficacité du nouveau traitement par rapport au traitement de référence à partir de son efficacité par rapport au placebo et de celle du traitement de référence par rapport au placebo (cf. section : Comparaison indirecte du chapitre : Comparateur,). Mais l’estimation de l’efficacité par cette comparaison indirecte n’est qu’une extrapolation sans garantie de fiabilité. Tout au plus, le nouveau traitement pourra servir d’alternative en cas d’intolérance ou d'effet secondaire avec le traitement de référence, mais il ne peut pas faire l’objet d’une utilisation systématique. Cette règle est à nuancer, par exemple, dans les cas où la démonstration de l’efficacité du traitement de référence est peu solide. La comparaison d’un nouveau traitement au placebo, et non pas à ce traitement, est justifiée.
A contrario, si l’essai est réalisé contre un traitement actif, sans que ce dernier ait été évalué, le résultat de l’essai sera peu informatif vis-à-vis du nouveau traitement. L’efficacité du traitement servant à la comparaison étant inconnue, il n’est pas possible d’exclure que ce traitement soit en fait délétère. Même si le nouveau traitement s’avère supérieur, il n’est pas possible d’en déduire qu’il est efficace et qu’il se serait révélé supérieur au placebo. Cependant dans certains cas où des traitements sont standards du fait de l’usage, ce type d’essai montre que les nouveaux traitements permettent de faire mieux (ou au pire moins mal) que les pratiques standards de soins de cette maladie.
Dans les essais de supériorité contre traitement de référence, ainsi que dans les essais de non-infériorité, il convient aussi de se méfier d’une utilisation non optimale du comparateur entraînant une diminution de son efficacité. Dans ce cas un nouveau traitement moins efficace que le traitement de référence pourrait donner l’impression du contraire. Ce genre de situation se détecte en recherchant si le traitement de référence est utilisé dans les conditions où il a révélé son efficacité optimale (dose, schéma d’administration, types de patients, etc.) et s’il a été effectivement utilisé de cette façon (dose moyenne, dose moyenne rapportée au poids, durée moyenne, fréquence des arrêts de traitement). Le recours aux publications de l’essai de validation du traitement de référence est indispensable.
Liste de contrôle 2 – Point à vérifier pour établir la pertinence clinique du traitement de comparaison. • En cas de comparaison au placebo, il n’existe pas de traitements de même mécanisme d’action ayant démontré leur efficacité. • En cas de comparaison à un traitement actif, l’efficacité du comparateur est établie. • Le traitement de référence actif a été administré de façon propice au développement de son efficacité optimale.
La liste des traitements interdits par le protocole doit aussi être analysée ainsi que les taux d’utilisation effective des différents traitements concomitants. Elle peut révéler que le nouveau traitement n’a montré une efficacité que chez des patients sous-utilisant les traitements concomitants et ne bénéficiant pas de tous les traitements validés. Dans ce cas, la réelle efficacité du nouveau traitement utilisé conjointement avec les autres traitements est inconnue, de même que le risque d’interaction statistique et/ou pharmacologique.
Liste de contrôle 3 – Point à vérifier pour établir la pertinence clinique des traitements concomitants. • Le traitement étudié a été évalué conjointement avec les autres traitements utilisés pour la pathologie considérée et avec des taux d’utilisation de ces traitements conformes à ceux habituellement rencontrés en pratique.
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L’estimation de la taille de l’effet (« size of effect ») doit être suffisamment précise pour pouvoir raisonnablement éliminer le fait que l’effet puisse être petit et donc sans intérêt en pratique. (voir le chapitre : Intervalle de confiance). La difficulté réside dans la fixation d’une valeur pour le « plus petit bénéfice intéressant en pratique ». Cette détermination pose des problèmes similaires à celui de la fixation du « seuil » dans les essais de non-infériorité (cf. chapitre Essai d’équivalence). La détermination de cette valeur, qui ne peut être qu’arbitraire, doit prendre en compte de nombreux facteurs : • la gravité de la pathologie, • les autres possibilités de traitement, • les autres intérêts du traitement (tolérance, coût, facilité d’administration, satisfaction des patients), • la fréquence de la maladie : un petit bénéfice peut correspondre, si la maladie est fréquente, à un nombre substantiel d’événements sérieux évités au niveau de la population toute entière, • les choix politiques de santé publique. Des problèmes de même nature apparaissent dans les comparaisons indirectes : quelle différence d’efficacité entre deux traitements actifs représente vraiment un gain pertinent ?
La pertinence du critère de jugement peut être remise en cause dans de nombreuses situations : • Le critère reflète un mécanisme biologique ou pharmacologique non directement lié à l’objectif thérapeutique. • Dans un critère composite, la composante qui a le plus de poids (qui est la plus fréquente et/ou qui est le plus modifiée par le traitement) a une faible pertinence clinique (critère non clinique, ou critère clinique secondaire). • Les critères continus posent assez souvent des problèmes au niveau de l'interprétation de leur pertinence clinique ou de la pertinence des effets observés.
Liste de contrôle 1 – Point à vérifier pour établir la pertinence clinique du critère de jugement principal. • Le critère de jugement est un critère clinique (ou un critère de substitution validé). • Le critère correspond à un objectif thérapeutique pertinent pour le patient. • Si le critère est composite, chaque composante a la même pertinence clinique. • Le moment de mesure du critère est pertinent.
Une partie de la pertinence clinique d’un résultat dépend de la praticabilité du traitement étudié. Une utilisation complexe, une mauvaise tolérance, un coût élevé ou la nécessité d’investissement important, sont autant de facteurs qui peuvent limiter la pertinence d’un résultat, même en cas d’efficacité substantielle. Par exemple, à la phase de l’infarctus, l’alteplase en perfusion accélérée a montré sa supériorité par rapport à la streptokinase [2]. Cette perfusion accélérée consiste à administrer une dose de 15mg en bolus suivie par une perfusion de 0,75mg/kg durant 30 minutes (sans excéder 50mg) puis 0,5mg/kg durant les 60 minutes suivantes (sans dépasser 35mg). La relative complexité de ce mode d’administration a motivé la recherche de mode d’administration plus simple (en double bolus) [3]. La documentation des changements de posologie qui ont eu lieu dans l’essai permet d’apprécier quelle fut la praticabilité du traitement tel qu’il était prévu au protocole. De nombreuses diminutions de posologie peuvent laisser supposer une posologie initiale inadéquate. De multiples abandons du traitement révèlent un traitement soit trop lourd soit mal supporté. Dans ces situations, le traitement sera difficilement utilisable en pratique même s’il montre un bénéfice malgré ces arrêts de traitement. L’analyse des effets secondaires documente aussi la tolérance du traitement et sa praticabilité. Un traitement mal supporté peut ne pas présenter d’avantage par rapport à un autre mieux toléré, même s’il possède une efficacité plus importante (cf. justification de l’essai d’équivalence). La réalisation d’essais pragmatiques est particulièrement nécessaire avec les traitements mal supportés. En effet, dans le cadre très protocolisé d’un essai, un traitement est moins facilement arrêté pour mauvaise tolérance que dans un contexte plus libre : les patients sont plus sollicités pour continuer et/ou des mesures d’accompagnement sont plus facilement prises. Dans ce contexte, le bénéfice mesuré surestimera celui qui sera effectivement obtenu dans la vraie vie où le traitement sera plus facilement arrêté.
Liste de contrôle 4 – Point à vérifier pour établir la pertinence clinique de la praticabilité du traitement • Quelle est la praticabilité du traitement étudié ? • Le traitement a été arrêté en cas de mauvaise tolérance de manière similaire à ce qui se passe en pratique.
1. Moynihan R. The making of a disease: female sexual dysfunction. Bmj 2003;326(7379):45-7. PMID: 12511464. 2. The Global Use of Strategies to Open Occluded Coronary (GUSTO 3) Investigators. A comparison of reteplase with alteplase for acute myocardial infraction. NEJM 1997;337:1118-23. PMID: 3. The Continuous Infusion versus Double-bolus Administration of Alteplase (COBALT) Investigators. A comparison of continuous infusion of alteplase with double-bolus administration for acute myocardial infarction. NEJM 1997;337:1124-30. PMID:
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