Sans passer par le calcul du bénéfice net, la gestion de la sécurité est impossible pour de nombreuses raisons.
Il est impossible de démontrer l’absence d’effets indésirables. En effet, ce n’est pas parce qu’une différence non statistiquement significative a été obtenue sur un critère de sécurité, qu’il est possible de conclure à l’absence d’un surcroît de risque sur ce critère. L’absence de signification statistique n’implique pas l’absence de différence. Ainsi, malgré ce qui couramment fait, il est impossible de conclure à l’absence d’effet indésirable à l’issu d’un essai où aucun critère de jugement de sécurité ne sort significatif. Cette problématique peut s’illustrer à l’aide de l’intervalle de confiance. En cas de différence non significative, la borne supérieure de l’intervalle de confiance du risque relatif est supérieure à 1, compatible avec la possibilité d’une augmentation de fréquence de l’événement indésirable considéré. Ne pouvant exclure raisonnablement un surcroît de risque, il n’est pas possible de conclure à l’absence de sur-risque. Par exemple, un risque ratio de 0.99 (IC à 95% entre 0.50 et 1.89) sur des hémorragies majeures avec un anticoagulant ne permet pas vraiment de conclure à l’absence de sur-risque hémorragique car, avec la précision de cette estimation, il n’est pas possible de raisonnablement exclure une augmentation de 89% de la fréquence des hémorragies. Une telle possibilité ne permet pas de conclure à l’absence de risque.
Par exemple dans l'abstract de l'essai TRILOGY ACS la conclusion sur la sécurité effectuée à partir des résultats obtenus sur les critères de sécurité (figure 1) est "Rates of severe and intracranial bleeding were similar in the two groups".
Il est aussi possible qu’un essai montre un effet délétère de manière statistiquement significatif sans que cela remette en cause l’intérêt du traitement si cet effet indésirable est rare, de gravité comparable au bénéfice recherché et ne contre-balance pas quantitativement le bénéfice obtenu. Ainsi, un résultat statistiquement significatif de défaut de sécurité n’est pas non plus un argument pour récuser automatiquement un traitement. Tout dépend de la balance numérique entre ces 2 composantes de la balance bénéfice risque.
En fait tout dépend de la balance entre le bénéfice et les risques et qui n’est appréciable qu’en passant par un calcul ou une estimation directe du bénéfice clinique net.
Le bénéfice net quantifie la balance entre le nombre d’événements évités par le traitement (la cible du traitement) et le nombre d’événements indésirables (de même gravité ou de gravité plus importante) induits par le traitement. La quantification s’effectue pour 100 ou 1000 patients traités en fonction des niveaux de risque.
Numériquement le bénéfice net s’exprime sous la forme d’une différence de risque (DR) obtenue par la somme de la différence de risque du critère d’efficacité et de la différence de risque du critère de sécurité. Il est aussi possible de mesurer directement ce bénéfice clinique net dans un essai en utilisant un critère composite regroupant les évènements que l’on cherche à prévenir et les événements indésirables de même importance clinique (comme par exemple dans l'essai RE-LY).
Exemple
un fibrinolytique a été évalué versus placebo à la phase aigue de l’infarctus du myocarde. La mortalité à 30 jours (critère d’efficacité) dans le groupe fibrinolytique est de 5%, versus 10% dans le groupe contrôle; soit une différence de risque de DR1 = 5% - 10% = -5%. Le traitement de 100 patients par le fibrinolytique évite 5 décès à 30 jours.
Par ailleurs, le fibrinolytique augmente la fréquence des AVC invalidants (par AVC hémorragiques) à 2% versus 1%. Les AVC invalidants sont de gravité comparable aux infarctus mortels. S’ils surviennent en même nombre que les décès évités, ils contrebalanceraient complètement le bénéfice et rendraient le fibrinolytique sans intérêt thérapeutique. La différence de risque sur les AVC invalidant est DR2 = 2% - 1% = +1%. Le traitement de 100 patients induit 1 AVC invalidant.
Le bénéfice net est DR1 + DR2 = -5% + (+1%) = -4%. Au total le bénéfice net est favorable au fibrinolytique. Les AVC invalidants induits ne contrebalance pas le bénéfice obtenu sur la mortalité et au total, il y une réduction net de 4% des décès après déduction des AVC invalidants induits.
Bien sûr ce calcul est une approximation car il ne prend pas en compte la co-survenue chez un même patient des 2 types d’événements. Seul l'estimation du bénéfice absolu par un critère composite le permet. Mais cependant, l’approximation effectuée ici est conservatrice est ne peut pas surestimer le bénéfice net.
Bien sur, il convient de prendre en compte les incertitudes statistiques existantes sur ces estimations et de calculer l’intervalle de confiance du bénéfice net. Par exemple, pour un bénéfice conduisant à une DR = -1,66% IC 95% (-2,52%; -0,79%), et pour un effet délétère de DR = 0,47% IC 95% (0,05%; 0,89%), le bénéfice clinique net débouche sur une DR=-1,19% avec un IC95% entre -2,15% et -0,23%.
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