Accueil > Sommaire > Les biais
Le terme biais (« bias ») est omniprésent dans le discours se rapportant aux essais cliniques et il est souvent mal employé. Une partie de la confusion existant dans l'emploi de ce terme vient qu'il a plusieurs significations en fonction du contexte ou du domaine dans lequel il est employé.
Pour un essai thérapeutique, un biais est un facteur, une situation, un processus qui va conduire à un résultat non conforme à la réalité, c’est-à-dire à un résultat biaisé. Un synonyme pourrait être « erroné ». Le risque que fait courir les biais est de conclure à l'existence de l'efficacité du traitement qui en est en réalité en est dépourvu. Un biais peut être introduit, par exemple, par une différence systématique entre les deux groupes, dû à autre chose qu’au traitement étudié et qui ne permet donc pas d’attribuer au seul traitement la différence observée entre les résultats.
Figure 1 – Lorsque l’effet d’un traitement est recherché en comparant deux groupes de patients, l’un recevant le traitement étudié et l’autre un autre traitement, la comparaison est potentiellement biaisée quand, par exemple, il existe une différence entre les deux groupes au niveau d’un facteur autre que le traitement qui est susceptible d’entraîner une différence dans le résultat, même en l’absence d’effet du traitement ‚.
Il y a biais quand la différence observée à la fin de l’essai entre les deux groupes est due à un autre facteur que le traitement étudié
En statistique, le biais est une erreur systématique entre une estimation et la véritable valeur du paramètre estimé. Ainsi, le biais est une erreur qui se reproduit à l'identique (systématique) et qui, contrairement aux erreurs aléatoires, ne se compense pas en moyenne. Un estimateur biaisé est un estimateur qui donne des estimations qui comportent toujours la même erreur. Ainsi l'acception courante du terme biais dans le domaine des essais est un cas particulier de la définition statistique du biais.
Le problème posé par les résultats biaisés est la difficulté de leur détection. Conclure qu’un résultat est faux nécessite de connaître la réalité, la vraie valeur de l’effet traitement, qui par essence est inconnue. Comme il est impossible de savoir, a posteriori, si un résultat est biaisé ou pas, des « astuces » ont été inventées pour rendre les biais impossibles. Ce sont les principes méthodologiques, qui, s’ils sont correctement suivis empêchent la survenue des biais. On dit qu’il y a contrôle des biais (dans le sens où l’on empêche leur survenue) et que le résultat est à l’abri des biais. Ainsi ne se pose plus la question de s’avoir si le résultat est biaisé ou non mais seulement la question : « est ce que la méthodologie utilisée empêchent les biais » ou « qu’elles sont les causes résiduelles de biais potentiel ».
En lecture critique,
on dira que le résultat d’un essai est potentiellement
biaisé quand la méthode utilisée ne permet pas de
contrôler la survenue d’un biais. Devant un résultat, il est
impossible de dire si celui-ci est effectivement biaisé ou non (car on
ne connait pas la réalité), mais il est possible de dire si
celui-ci est à l’abris des biais ou non. Par défaut de
langage, on dit souvent qu’un résultat est biaisé à
la place de dire qu’il n’est pas à l’abri des biais.
Dans le langage courant le terme biais est utilisé à la fois pour désigner la cause et l'erreur du résultat. On appelle ainsi biais les causes de biais, c’est-à-dire les conditions qui peuvent conduire à un résultat biaisé. On parle ainsi d’un biais de sélection quand les deux groupes d’un essai ne sont pas strictement comparables.
Contrairement aux fluctuations aléatoires (appelées aussi erreurs aléatoires « random error ») dont les conséquences sont diminuées par l’augmentation du nombre de sujets, l’erreur induite par un biais reste constante quel que soit le nombre de sujets.
Les principes méthodologiques ont été conçus pour éviter la survenue des biais.
Le but de la méthodologie est de construire des expériences qui ne sont pas exposées au risque de biais. Pour cela, le plan d’expérience (« design ») est construit de telle façon qu’il ne laisse pas la possibilité à un biais de venir fausser les résultats obtenus. On dit qu’il y a contrôle des biais. La plupart des principes méthodologiques trouvent leur justification dans le fait qu’ils évitent l’apparition d’un biais.
Tous les plans d’expériences ne permettent cependant pas de garantir de la même manière l’absence de biais. Par exemple, une étude d’observation ne contrôle pas le biais de sélection et ne garantit pas que les deux groupes seront strictement comparables. Il existe une hiérarchisation des plans d’expériences quant à leur aptitude à assurer l’absence de biais dans la recherche d’un effet thérapeutique. L’essai thérapeutique est celui qui contrôle le mieux les biais, mais il n’est pas toujours.
Le biais est à distinguer du manque de représentativité qui entache un résultat obtenu sur des sujets sélectionnés et peu représentatifs de la situation étudiée. Le résultat obtenu n’est pas biaisé, mais il n’est pas extrapolable à l’ensemble des patients. Le résultat n’est pas biaisé car il estime correctement l’effet du traitement chez ces types particuliers de patients, mais cette estimation n’est pas celle recherchée (estimation de l’effet du traitement chez les patients standards). Le problème de la représentativité d’un résultat sera abordé ultérieurement dans cet ouvrage.
Interprétation des essais cliniques pour la pratique
médicale
www.spc.univ-lyon1.fr/polycop
Faculté de Médecine Lyon - Laennec
Mis à jour : aout 2009